Dyslexie et « troubles DYS » : Une nouvelle donne qui pourrait tout changer
COLLOQUE MUSIQUE-EDUCATION-SANTE. SAMEDI 26 JUIN 2021 – Par Michel Habib
10% environ des enfants d’âge scolaire souffrent de dyslexie ou d’autres troubles apparentés dénommés « troubles dys » (dyspraxie, dysphasie, dyscalculie, dysgraphie, trouble déficitaire d’attention, etc…). Il s’agit de troubles neurodéveloppementaux, c’est-àdire qu’ils résultent d’une atypie de la mise en place, probablement très précoce, de certains circuits durant le développement du cerveau de l’enfant. Si ces conditions sont mieux reconnues et mieux prises en compte tant par les rééducateurs que les pédagogues, il reste de nombreuses zones d’ombre quant à leurs mécanismes neurologiques.
Un article publié la semaine dernière dans la revue « Brain Sciences »* apporte de nouvelles informations susceptibles de changer profondément les concepts et les pratiques. En résumé, la proposition est que tous les troubles dys ne sont que la manifestation d’une seule et même incapacité du cerveau à mettre au même rythme certaines de ses parties insuffisamment interconnectées. De là à préconiser l’enseignement de la musique et de la danse, il n’y a qu’un pas. Voici pourquoi.
Dyslexie : et si on avait fait fausse route ?
Jusqu’ici la plupart des chercheurs et des rééducateurs considéraient la dyslexie comme un problème linguistique, un développement insuffisant des processus langagiers dans le cerveau de l’enfant. Selon le Dr Michel Habib, l’auteur de cet article, cette vision serait réductrice et n’expliquerait pas tous les cas de dyslexie. Au contraire, il existerait au moins deux autres mécanismes : l’un lié à un défaut dans les systèmes attentionnels, et l’autre dans les systèmes de la coordination motrice. De sorte que les traitements usuellement proposés à ces enfants, basés sur la rééducation des systèmes du langage (notamment par les orthophonistes), laisseraient pour compte une grande partie des cas découlant d’autres mécanismes. Cette première constatation, on le conçoit aisément, représente une petite révolution dans le landernau des rééducateurs et des pédagogues qui s’occupent de ces enfants.
Du reste, elle rejoint et conforte la tendance, défendue par exemple dans la région PACA par l’Association Résodys**, à promouvoir la pluridisciplinarité des interventions auprès de ces enfants, à savoir la nécessité de faire collaborer des professionnels de disciplines différentes.
Connecter, raccorder, échanger
Mais les révélations ne s’arrêtent pas là. Prenant appui sur une revue très complète de toute la littérature scientifique utilisant les techniques modernes d’imagerie cérébrale, l’auteur en arrive à conclure que le point commun de nombreux troubles du neurodéveloppement : troubles dys, TDAH, et même certaines formes d’autisme, serait un défaut dans les connexions ou « faisceaux de substance blanche » qui unissent entre elles, à l’intérieur du cerveau, différentes zones ayant des fonctions différentes. Imaginez un circuit électrique, comme ceux qu’on apprend à construire en technologie à nos collégiens, avec un moteur, une bobine et un transformateur : si tout cela est relié par des fils de mauvaise qualité, le courant ne passera pas convenablement, en revanche, si les câbles sont solides, entourés d’une gaine de protection épaisse et robuste, alors notre circuit va être parfaitement efficient et ses différentes parties vont pouvoir échanger leurs informations de manière optimale.
Ainsi, apprendre à lire repose prioritairement sur la capacité du cerveau de l’enfant à établir des liens intenses et répétés entre les formes écrite (graphèmes) et orale (phonèmes) du langage. De même, lorsque l’enfant apprend à calculer, il met en relation des mots du langage oral et écrit (chiffres, nombres, opérations….) avec la représentation des quantités qui leur correspondent (par exemple le chiffre ‘5’, le mot ‘cinq’, la forme et la quantité abstraite correspondante). Or ces différents mécanismes sont réalisés dans des parties différentes de notre cerveau qui doit donc être capable d’établir entre elles des relations rapides et efficaces. C’est précisément ce qui ferait défaut aux enfants dyslexiques, dyscalculiques, dyspraxiques et autres TDAH.
Mais comment le cerveau de l’enfant parvient-il à établir ces connexions entre ses différentes parties, et pourquoi un enfant dys n’y parviendrait-il pas ?
Une question de rythme
Il est aujourd’hui parfaitement établi que chaque région du cortex cérébral possède un rythme propre d’oscillations de son activité électrique (qui se mesure en Hertz), et pour pouvoir communiquer entre elles, les différentes régions du cerveau ont besoin d’ajuster, de synchroniser le rythme de leurs oscillations. Tout se passe exactement comme lors du jumelage de deux appareils électroniques : tant que les deux processeurs ne se sont pas mis en phase, ils ne peuvent communiquer entre eux. C’est ce qui se passerait dans le cerveau des enfants dys : à cause de la mise en place déficiente de leurs connexions réciproques, les régions impliquées dans un apprentissage ou une fonction cognitive ne parviendraient pas à se synchroniser, provoquant le trouble dans un apprentissage donné.
Alors, en quoi ces nouvelles révélations sont-elles cruciales ? En quoi changent-elles la donne pour les enfants dys et aussi pour les professionnels qui en ont la charge ? Eh bien, si on les suit à la lettre, on va devoir remettre en question bon nombre de principes traditionnels de la rééducation : plutôt que de proposer des traitements adaptés à chaque diagnostic – l’orthophoniste pour les dyslexies linguistiques, le psychomotricien pour celles liées aux problèmes avec l’espace et le temps, l’orthoptiste lorsque les mouvements oculaires sont en cause, etc… – on va pouvoir réfléchir de manière différente, en allant chercher des techniques qui permettent de resynchroniser les zones cérébrales entre elles, et ce quels que soient leurs rôles et leurs fonctions. Et on sera tout logiquement enclin à proposer aux enfants dys les deux activités connues pour entraîner le cerveau à se mettre en rythme : l’activité musicale (y compris le chant) et la pratique de la danse. En effet, l’une comme l’autre (cela a été également prouvé par les neuroscientifiques) va agir sur le cerveau en construction en renforçant les connexions déficientes et en restaurant une meilleure cohérence temporelle entre l’activité des différentes régions cérébrales concernées.
Des études de recherche appliquée sont en cours dans divers laboratoires de recherche, en particulier en collaboration avec l’institution scolaire, pour tâcher de mettre en œuvre le plus largement possible ces observations, avec des premiers résultats très prometteurs d’ores et déjà publiés. Ce qui, à terme devrait déboucher sur la recommandation et la généralisation de nouvelles pratiques rééducatives et pédagogiques (incluant la musique et la danse).
Et la danse, qu’apporte-t-elle de plus ?
La réponse est à la fois fascinante et inattendue : elle agit tout particulièrement sur les réseaux cérébraux de l’empathie et de l’altruisme ! Plusieurs études indépendantes ont ainsi démontré que proposer des exercices de danse rythmique aux adultes et aux enfants permet de modifier à la longue leur comportement dans des situations expérimentales dénotant leur capacité à aider et à accepter autrui. On sait même que cela se fait par l’entremise d’un renforcement de certaines connexions à l’intérieur du cerveau, précisément dans les zones impliquées dans la capacité à interagir avec autrui. Certains enfants dyslexiques ou TDAH souffrent également de difficultés à interagir avec leurs pairs. Cela pourrait alors être une raison supplémentaire de les encourager à une pratique artistique ciblée sur de tels exercices, en particulier favorisant les interactions au sein d’un groupe, qu’il agisse d’un mini-orchestre ou d’une activité de danse à deux ou à plusieurs.
En conclusion : la danse, le chant, la musique comme matières scolaires majeures
L’idée de faire faire de la musique et de la danse aux dyslexiques n’est pas nouvelle, et l’efficacité de ces pratiques sur les difficultés d’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul… n’est plus à démontrer. Ce qui est nouveau ici, c’est qu’il existe à présent une explication plausible qui vient terminer de dissiper les hésitations qui pouvaient persister : il est maintenant possible, voire impératif, de généraliser et systématiser les pratiques musicales et de danse à tous les enfants dès lors qu’on aura diagnostiqué chez eux un trouble dys. Et cela peut se faire partout : à la maison, dans les écoles de musiques, les Maisons pour Tous, mais surtout à l’école, le lieu où l’égalité des chances a les meilleures raisons de s’imposer. Et ce qui est bon pour les « dys » est probablement bon pour tous les autres ! Cela implique une modification profonde des us et coutumes dans les programmes scolaires, et un revirement à 180° de la façon dont on considère ces activités artistiques : il ne s’agit plus de matières accessoires, parfois optionnelles, mais bel et bien de matières majeures, au même titre que la littérature, le sport et les sciences, et peut-être même au-dessus de ces dernières si on reconnaît que leur pratique va retentir positivement sur l’ensemble des autres apprentissages.
*The Neurological Basis of Developmental Dyslexia and Related Disorders: A Reappraisal of the Temporal Hypothesis, Twenty Years on. Brain Sci. 2021, 11(6), 7081 https://doi.org/10.3390/brainsci11060708
https://www.mdpi.com/2076-3425/11/6/708
**http://www.resodys.org
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